Je m’en
souviens comme si c’était hier. J’étais étudiante à la Faculté des sciences de
l’administration de l’Université Laval. J’étais « impliquée ».
J’écrivais pour le journal étudiant et je travaillais pour le café de la
faculté. Je côtoyais donc d’autres personnes « impliquées ». Cette
année-là, le sport aux Jeux du commerce était l’ultimate frisbee. Je n’avais
jamais joué, mas j’étais habituée aux sports plutôt underground. Après 15 ans de sports équestres, 8 ans de basketball
et 2 ans de hockey sous-marin, je n’ai pas hésité à me porter volontaire
lorsqu’on m’a demandé de participer à une pratique parce qu’il manquait des
filles. J’ai grandi en campagne sur un terrain de 3 âcres avec des chiens.
J’avais nécessairement un backhand décent. Mais je n’avais aucune idée de ce
qu’était un flick.
C’est comme
ça que ça a commencé. À la pratique, je me démarquais déjà des filles
sélectionnées sur l’équipe. On m’a rapidement invitée à joindre les rangs.
Merci Jeff Ouellet de m’avoir initiée et Jim Tremblay de m’avoir montré ce
qu’était un flick entre 2 chiffres au café. Si je ne me trompe pas, on a
terminé 3e aux Jeux du commerce. On s’en fou! J’avais commencé à
jouer.
L’été
suivant, j’ai commencé à jouer avec les QUB. Je ne sais plus trop comment.
L’équipe féminine de Québec. 12 ou 14 filles? En tout cas, jamais assez pour
vraiment pratiquer et juste assez pour survivre aux tournois de 7 matchs en
deux jours. Je dis bien « survivre ». C’était les débuts de l’équipe.
Il manquait de filles, de technique de lancers et de course et, il faut bien
l’admettre… d’expérience et de talent. Mais on avait une équipe. C’était ma
première saison. On a joué dans des conditions horribles cette année-là
(souvenez-vous du tournoi d’Hanover au New-Hampshire, la fin de semaine des inondations!).
Je portais des shorts rouges et des bas de soccer. On me disait de courir. Je
courais! J’étais agressive sur le disque, plongeais et n’avais pas peur de
personne. J’étais toujours partante pour jouer plus. Pour jouer contre la
meilleure de l’autre équipe. C’était en 2006. Notre saison a pris fin aux
Championnats canadien d’ultimate (CUC) à Halifax. Nous avons terminé dernières,
marquant qu’un seul point contre Stella (Ottawa). C’est la seule partie dont je
me souviens. Mais j’étais revenue à la maison avec mon 1er chandail
des CUC. Je l’ai toujours gardé.
À ce
moment-là, à Québec, il y avait une « meilleure » équipe. Une équipe
mixte. Le MHUC. Ils ont recruté mon chum qui avait commencé à jouer (après
avoir dit que mon sport, ce n’était pas un sport!) et je l’ai suivi. Pour jouer
du meilleur calibre et pour passer plus de temps avec lui. J’ai appris de
nouvelles stratégies et à mieux lancer. Mais je me suis rapidement aperçu que
j’avais plus de temps de jeu et un meilleur impact dans le féminin. C’était ma
deuxième saison, et ce serait ma seule dans le mixte. Je trouvais que les
filles d’Ottawa étaient bonnes. Pourquoi pas les filles de Québec? Peu de gens
ont compris mon choix. Le mixte était plus fort. Ce n’était pas, pour beaucoup
de mes amis, un choix logique. Mais je n’ai jamais pris mes décisions pour les
autres. J’ai une tête de cochon. Ça vous le savez sûrement déjà.
En 2008, un
nouveau projet d’équipe mixte voyait le jour à Québec : Onyx. Cette équipe
avait comme objectif une qualification et une participation aux prochains
championnats du monde. On m’a invitée à joindre le projet à plusieurs reprises.
J’ai toujours refusé. Mon idée était faite. Je voulais jouer féminin. À partir
de ce moment, je voulais vraiment une équipe. Mon équipe. Et m’améliorer.
Devenir meilleure. Et trouver d’autres filles prêtes à vivre cette aventure.
Les filles d’expérience sont toutes allées jouer mixte. C’était le gros projet.
Alors on a trouvé d’autres filles. On ne pouvait pas faire pire qu’en 2006. On
pouvait juste s’améliorer. Nous n’avons pas participé aux CUC cette année-là.
Les championnats avaient lieu à Calgary. Ça faisait cher la participation. On a
pratiqué et on a joué notre saison régulière. On a appris. C’était ma troisième
saison.
C’est à
partir de ce moment que j’ai commencé à comprendre réellement l’ampleur du jeu
politique et tout ce qui se passe hors saison. Le maraudage. L’équipe mixte
avait un œil sur nos meilleures filles. La rivalité était déjà présente. Moi,
je voulais garder mes joueuses de talent. Je voulais continuer à construire mon
projet. Mais je n’avais pas grand-chose à offrir en retour. Pas d’objectif de
saison alléchant ou de potentielle participation aux mondiaux. Saison 4. Une
chance que j’avais un peu de leadership, de bons alliés (coach et capitaines
que je ne remercierai jamais assez) et du front. Ça m’en a pris pour passer à
travers la saison 2009. Mais on est passé au travers et on s’est amélioré. On a
terminé 5e aux championnats canadiens. Ça ne m’en prenait pas plus pour avoir envie de monter sur
le podium. On avait enfin un objectif tangible!
Et c’est
comme ça qu’a débuté ma 5e saison. Onyx, l’équipe mixte, s’était
qualifiée pour les mondiaux et allait y participer. Nous, on visait une demie
finale aux CUC. On avait une équipe de « no names ». Les gens du
frisbee ne croyaient pas beaucoup en nous. Mais ce n’était pas grave. C’était
notre équipe. Et j’avais des filles qui y croyaient avec moi. Je n’avais pas
besoin de plus pour continuer. Et puis, surprise!! À la fin du printemps, nous
recevions une invitation dernière minute pour participer, nous aussi, aux
mondiaux. L’organisation des championnats du monde n’avait pas assez d’équipes pour
bien organiser son horaire. On a saisi l’opportunité. Pour l’expérience. Pour
le voyage. Pour le trip de vivre des mondiaux. Prague 2010. On a terminé 30e
sur 32 équipes… Ça n’a pas été facile. Onyx est revenue médaillée d’argent et
nous, dans le bas du classement. Mais moi, j’étais revenue inspirée. J’avais eu
la chance de voir de vraies équipes féminine élites. Des joueuses bourrées de
talent. Des filles qui dominaient leur sport. Je voulais encore m’améliorer. Il
nous restait les CUC. Nous avons continué notre progression. C’était ça qui
importait. Du moins pour moi. Tant que mon projet évoluerait, je continuerais.
2011 -
notre équipe de « no names » obtient sa première médaille, une
médaille de bronze aux CUC. Enfin! Après tant d’efforts. Ma 6e saison. Le goût du
podium.
Mon projet
se concrétisait. Le leadership d’équipe était fort. Avec Marc Brunet et
Marianne Pilon à mes côtés, on a élaboré ce projet. On voulait participer aux
prochains mondiaux en 2014. On avait 2 saisons pour se préparer. On voulait
élever le niveau de jeu une fois de plus. On voulait participer à des finales
et gagner des tournois. On a participé à 3 finales, dont celle des CUC. On a
été médaillée d’argent aux championnats canadiens. Notre équipe continuait de
grandir. Je continuais de m’améliorer. C’était ma 7e saison et
j’avais envie plus que jamais de continuer.
2013 - le
retour de Bruno Charland au coaching auprès de Marc Brunet. L’année des
qualifications. Une année de rivalité importante. Contre Nova. Contre Traffic.
Contre tous ceux qui n’avaient jamais cru que les QUB pouvaient faire partie de
l’élite. On a gagné notre pari. On a réussi. On s’est qualifiée pour les
mondiaux en remportant un match très serré contre Fusion (Winnipeg), avant de
s’écraser contre Traffic en finales. On avait misé sur
peu d’effectif pour nos quarts et nos demies finales. Mais on a réussi. On a
pleuré, on a ri. On s’était qualifiée! J’ai de très beaux souvenirs de cette 8e
saison.
Et la
dernière. L’année des mondiaux en Italie. La finalité de mon projet. Un
objectif ambitieux, celui de terminer parmi les 8 meilleures équipes au monde.
Quatre ans plus tôt, on finissait 30e. On s’en foutait. On avait
réussi à construire une équipe. Des joueuses d’un peu partout se sont
présentées au camp de sélection espérant faire partie des QUB. La cohorte 2014
est sans contredit la meilleure que l’équipe n’a jamais connue. Les stratégies
étaient peaufinées. Nous avons créé des liens avec nos nouvelles joueuses. Nous
avons su garder fort cet esprit d’équipe qui nous caractérisait. Août 2014. Les
mondiaux. Nous n’avons pas atteint notre objectif. Nous avons terminé 9e.
C’était ma 9e saison.
Si j’écris
ce texte aujourd’hui, c’est pour tourner la page sur ce projet qui aura occupé
près du tiers de ma vie. Et aussi
pour vous donner envie de croire en vos projets. MON équipe a terminé 9e
aux mondiaux. Cette même équipe qui terminait dernière aux CUC en 2006 et en
laquelle seule une poignée de gens ont cru. J’en suis très fière. J’en ressors
grandie. Grandie des rencontres avec plus de 60 coéquipières. Grandie des
victoires et des défaites. Grandie des défis que j’ai relevés.
À travers
ces 9 saisons, je me suis mariée, j’ai eu une merveilleuse fille et je me suis développée
professionnellement. Je suis devenue meilleure. Une meilleure blonde, une
meilleure mère, une meilleure athlète, une meilleure femme.
En 2015,
n’ayez pas peur de vous investir à fond dans vos projets et devenez meilleurs.
Merci à tous ceux qui ont cru et participé dans ce projet. Merci à ceux et
celles qui sont devenus des amis au passage. Mes spikes sont accrochés pour une
année. Je saurai bien trouver un nouveau projet qui me donnera envie de les
chausser à nouveau!
Hélène
Paradis, # 18
Capitaine
des QUB depuis ses débuts